CONFERENCE : Scènes d'un monde sans la “papa” par Fernando Iwasaki

Les planteurs de pomme de terre. Millet. Vers 1861.


Traduction d'une conférence donnée par Fernando Iwasaki 
à la Médiathèque de Biarritz le 13/04/2018
La version espagnole originale suit le texte traduit. 

Avant de commencer à vous raconter l'histoire que je me suis proposée de vous raconter, je vais demander à la traductrice de mon texte qu'elle utilise le terme quechua papa au lieu de ses divers équivalents européens - patata, potato, potet, kartoffel, cartof, krumpir, ziemniak, brambory ou pomme de terre – de la même manière que nous utilisons les termes goalwebclonesieste ou sushi. Après tout, comment dit-on cacao en français, en allemand, en russe, en italien, en frison, en gaélique, en slovène, en ouzbèke ou en polonais? Tout simplement cacaoPapa est un des ces mots qui devrait être universel parce que le monde tel que nous le connaissons serait inconcevable sans la papa. Imaginez que dans chaque langue il existe un mot distinct pour dire viagra ou sexy? L'humanité vivrait avec plus de stress, qui, bien entendu, est un autre terme universel sauf en Suède où stress se dit påkänning.

Comment est-il possible que la papa des Andes, la papa des Incas, la papa de toujours ait tant de noms différents ? Même en Espagne on ne l'appelle pas papa mais patata. Et, comble de l'absurdité, papas fritas en anglais se dit french fries parce que les soldats américains les mangèrent ainsi préparées en Belgique. Soit, ni papa quechua, française, anglaise, flamande, ni rien. Et qu'il soit bien clair que les premiers chroniqueurs qui parvinrent dans les Andes au XVIe siècle ne nommèrent jamais patata la papa. Alors, pourquoi le terme patata s'est ainsi popularisé en Espagne ?

D'abord, le terme patata provient du taino batata, une plante qui n'a rien à voir avec la première puisque la batata appelée aussi camote, est un tubercule sucré. Colomb dans son Journal (1492) parle de « racines comme des grands radis » que les indiens « cuisent et font griller et ont la saveur des châtaignes ». Dans la Somme de l'Histoire naturelle des Indes(1526), Gonzalo Fernández de Oviedo identifie ces racines comme des batatas et il souligne, lui aussi, que « grillées, ce sont des fruits excellents et revigorants ». Pendant ce temps, dans les Andes, Pedro Cieza de León, évoquant les aliments des Indiens de Quito, rapporte dans sa Chronique du Pérou (1553) que ceux-ci utilisent une plante qu'ils appellent papa « à racines presque semblables à des truffes […] Lorsqu'elles sont cuites, elles ont la pulpe presque aussi tendre que la purée de châtaigne ». Et pour bien indiquer qu'il ne confondait pas cette plante avec une autre, Cieza de León précise encore quand il écrit sur les cultures des Yungas de la côte : « on fait pousser beaucoup de batatas douces, dont la saveur est très proche de celle des châtaignes. Et aussi on trouve quelques papas ». De son côté, dans son Histoire naturelle et morale des Indes (1590), le jésuite José de Acosta a, lui aussi, évalué l'importance de la papa comme aliment en donnant cette information sur les hommes des Andes « toutesfois le défaut qu’ils ont du pain y est recompensé par les racines qu’ils sèment, lesquelles ils appellent Papas, et croissent dedans la terre. Ceste racine est le manger des Indiens, car les séchans et nettoyans ils en font ce qu’ils appellent Chugno qui est le pain et la nourriture de ces provinces… » Enfin, l'Inca Garcilaso dans ses célèbres Commentaires royaux des Incas - publiés en 1609, traduit en anglais en 1625 et 1688 et en français en 1633 et 1650 – quand il écrivit sur les légumes andins affirma catégoriquement « Le premier est celui qu'ils nomment papa, qui leur sert de pain ; ils le mangent bouilli ou rôti, et le mettent aussi dans leurs sauces. » Et pour éviter toute confusion, il ajouta : « Ce que les espagnols nomment batatas et les indiens du Pérou apichu, il en existe de quatre ou cinq couleurs, certaines sont rouges, d'autres blanches, et d'autres jaunes, et d'autres violettes ; mais elles diffèrent peu du point de vue du goût ; les moins bonnes sont celles que l'on a amenées en Espagne ».

Installé à Cordoue, l'Inca avait du certainement savourer les batatas de Malaga, bien que dans son Tesoro de la lengua Castellana Española (1611) Sebastián de Covarrubias n'ait collecté aucune papas ou batatas.

Plus récemment, au XVIIIe siècle, avec l'édition du Diccionario de Autoridades (1726-1737), apparaissent les premières définitions. Ainsi, à l'entrée batata, on peut lire : 

BATATA: Plante qui cultivée et plantée développe une racine un peu plus que grande que celles appellées papas, longue et tortueuse. Jaune à l'intérieur et rouge à l'extérieur. Elle est très savoureuse et sucrée, et bien qu'on l'utilise dans la préparation de divers desserts et sucreries fines, elle est particulièrement agréable grillée, et mouillée de vin sucrée. En Espagne, on en cultive beaucoup dans les environs de Málaga.

Cette définition se retrouvera telle quelle jusqu'en 1817, accompagnée, durant six éditions, de l'entrée correspondant a papa:

PAPA: Racines qui poussent sous terre, sans feuille et sans tige. Rouge à l'extérieur et blanche à l'intérieur. C'est un aliment insipide.  

Les papas restèrent ainsi insipides jusqu'à l'édition de 1817, bien que le plus étrange est que le terme patata fut définie – dès la première édition de 1737 jusqu'à la cinquième de 1803- comme « équivalent à batata ». Cependant, si le substantif patata vient de la confusion avec batata -bien que les dernières soient sucrées et les autres insipides- cela signifie que, de la Découverte de l'Amérique jusqu'à la proclamation de la Constitution de Cádiz en 1812, la papa ou patata n'a jamais été un aliment massivement consommé dans la péninsule ibérique, malgré les Chroniques des Indes, malgré les trois cent ans de domination coloniale et malgré la très espagnole omelette aux patates, dont je salue l'invention.

Néanmoins, dans d'autres pays et dans d'autres langues européens, le destin du tubercule andin a été différent, puisque, après avoir constaté ses vertus comme ration de marin, le corsaire Francis Drake amena les premières papas en Angleterre en 1586 où le botaniste John Gérard certifia sa valeur alimentaire et sir Walter Raleigh promut sa consommation. Les Britanniques adaptèrent à l'anglais le terme taino-espagnol patata mais ne répétèrent pas la confusion sémantico-culinaire puisque d'un côté on a la sweet potato et de l'autre la white potatobastard potato ou tout simplement potato, telle que nous la trouvons dans le cinquième acte de la comédie Les Joyeuses commères de Windsor (1598) et dans le cinquième acte de la tragédie Troilus et Cressida (1602), deux pièces de William Shakespeare. Tout au long du XVIIe siècle, la papa fit partie de la diète quotidienne des paysans russes, irlandais ou polonais, ainsi que de la soupe de l'armée de Prusse, où Frédéric le Grand implanta sa culture dans une perspective militaire en 1751. Et justement, le pharmacien français Antoine de Parmentier découvrit les potentialités alimentaires de la papa quand il était prisonnier des prussiens. En 1785, il obtint de Louis XIV qu'il parraine la culture massive de la papa pour combattre les famines de France. 

Comme on peut le mesurer, malgré la curiosité qu'éveilla les Chroniques des Indes à partir du XVIe siècle, l'intérêt européen pour les « choses » d'Amérique se concentra sur les métaux précieux, reléguant la connaissance de l'histoire et de la culture de ses peuples à ces minorités que l'on cultive et qui finissent toujours, à la longue, par apprendre -ou au mieux- par cultiver. C'est à dire, cultiver des papas, cultiver des tomates et cultiver du maïs, trois produits américains qui ont révolutionné la gastronomie universelle, sans parler d'autres aliments andins comme le quinoa. 

Que serait le monde sans la papa ?
Les Espagnols n'auraient pas leur fameuse omelette ni les taurines patatas bravas; les Russes ne pourraient pas préparer la vodka ni la salade que, durant la Guerre froide, on appela Olivier aux Etats-Unis; les Indiens d'Inde seraient privés de bonda et d'aloo pie; les Suédois devraient oublier le lefse et le pitepalt; les gnochis disparaîtraient des trattoria italiennes et la raclette suisse n'existerait plus; au Japon, on regretterait les korokke et la nikujyaga; en Israel on dirait adieu au kugel et au knish, et les Lituaniens perdraient leur plat national - kugelis-, sans parler de l'infinité de soupes, purées, soufflés, salades, vichyssoises, eaux-de-vies et ragoûts anglais, allemands, irlandais, italiens, français, scandinaves, écossais et espagnols qui sont à la papa ou ne sont rien.

Par ailleurs, la fécule de papa donne un amidon qui permet l'élaboration de sacs biodégradables qui sont devenus la meilleure alternative aux plastiques, et, au Centre International de la Papa au Pérou - en collaboration avec la NASA – on a sélectionné 65 variétés de papas parmi les 3000 cultivées dans les Andes pour déterminer quelles seraient celles qui s'adapteraient le mieux aux sols de Mars et ainsi pouvoir alimenter les futures colonies martiennes, comme les ont rêvées les producteurs du film Seul sur Mars (2015). La papa conservera-t-elle son nom quand elle sera cultivée sur Mars?

Dans Un homme dans sa cuisine (2003), l'écrivain britannique Julian Barnes avoue qu'il adore préparer des plats issus de vieux livres et il nous parle des « patates cuites avec des poires, une recette de Montaigne, un plat que l'essayiste découvrit en 1580, quand il traversait la Suisse pour se rendre en Italie » Montaigne a-t-il mangé des papas en Suisse en 1580? Dans mon édition espagnole, je peux lire que Montaigne nota qu'à Bâle « On ajoute volontiers des grands radis ou des poires cuites au ragoût » et qu'à Landau « on sert des cerises cuites et des tartes aux poires et aux pommes avec le plat de viande » et j'ai bien vérifié que mon édition est fidèle à l'original en français, ce qui signifie que Julian Barnes ne se nourrit pas du tout correctement, puisqu'il mélange les protéines, le fructose et les glucides. Je salue cependant son bon goût parce que, entre l'art de la table et la science nutritionniste, moi, j'ai toujours choisi le plus artistique.

Comme la justice est lente mais finit toujours par se faire, l'identité péruvienne de la papa qui a tant fait parlé et a, surtout, tant alimenté dans le monde entier s'est manifestée avec force grâce au brusque développement de la gastronomie dans mon pays, puisque la sophistication culinaire ultime du sybarite contemporain est de commander un ceviche à Genève, demander un arroz chaufa à Venise ou goûter un tiradito à Montecarlo. Quels sont les plats péruviens qui sont les porte-drapeaux de notre papa ?

Tout d'abord, la causa, une purée de papas assaisonnée de piment et de l'incomparable citron péruvien que l'on accompagne traditionnellement avec du thon, de l'avocat et de l’œuf dur, mais dont les chefs modernes ont fait une prodigieuse entrée. Un autre de ces premiers plats serait la papa rellena, dont la chair écrasée est mélangée avec de la viande hachée, de l'oignon, de l’œuf dur, des olives et des piments et qui est ensuite panée et frite de manière à être croquante à l'extérieur et tendre à l'intérieur. Enfin, on aurait la papa a la huancaína, qui est une crème de piments et de fromage frais que l'on verse sur différentes variétés de papas cuites. Diverses régions du Pérou ont des recettes voisines qui se différencient par le type de papa (Rien qu'au Pérou il en existe plus de trois milles variétés) et par les piments de la sauce, comme par exemple, dans l'ocopa arequipeña.

Si on passe aux plats principaux, on doit commencer par le lomo saltado, une merveille inventée par les immigrants chinois du XIXe siècle qui mirent dans leur woks tous les restes jetés par les bouchers et les employés d'abattoirs, et les firent sauter avec de la tomate, de l'oignon, du piments, des épices et, bien entendu, des papas frites préalablement. Ce plat accompagné de riz blanc, est plus bienfaisant au déjeuner qu'au dîner. Comme autre délice extraordinaire d'origine préhispanique on pourrait évoquer la carapulcra, dont l'origine se trouve dans les rations de papa séchée ou déshydratée que les anciens Péruviens cuisinaient avec de la viande de lama ou d'alpaga. Il semblerait que les esclaves noirs enrichirent la recette andine primitive de piments, de cacahuètes, de cannelle, d'oignon, de poivre, de clou parfumé et d'autres viandes comme celles du poulet et du porc, mais la base est toujours la papa séchée des Andes. Pour finir, je ne peux conclure cette liste de plats principaux sans mentionner l'ají de gallina, un délicieux velouté préparé avec du poulet émincé et cuit, avec du pain trempé de lait, avec des fromages crémeux et des piments andins, servi sur des papas à la vapeur, dont le nom trouve son origine dans le terme baroque espagnol manjarblanco, un dessert du XVIIe siècle mais que les Péruviens ont transformé en plat salé et surtout piquant. 

Cependant, les anciens Péruviens n'ont jamais mangé de papas frites ou à la vapeur mais des papas cuites ou rôties comme l'indiquait l'Inca Garcilaso. Et, maintenant que nous savons que Michel de Montaigne n'a jamais mangé de papas en Suisse alors qu'il voyageait vers Rome, je souhaiterais terminer en indiquant que Monsieur de Montaigne aurait eu grand plaisir à converser avec l'Inca Garcilaso, car dans l'essai qu'il consacra aux “Coches” il parle des Incas de Cusco et de leurs palais, de leurs trésors, de leurs chemins, de l'histoire, de la conquête et même de certaines essences sylvestres.

...ni Grèce, ni Rome, ni Égypte ne peut, soit en utilité, ou difficulté, ou noblesse, comparer aucun de ses ouvrages au chemin qui se voit au Pérou, construit par les rois du pays, depuis la ville de Quito jusqu'à celle de Cuzco (il y a trois cent lieues), droit, uni, large de vingt-cinq pas, pavé et revêtue de côté et d'autre de belles et hautes murailles, et le long d'icelles, par le dedans, deux ruisseaux perennes, bordés de beaux arbres qu'il noment “mulli”. 

Ces beaux arbres évoqués par Montaigne font partie du paysage européen grâce aux pénétrants arômes de leur feuillage, puisque que le molle de Cuzco est le faux-poivrier que l'on trouve si communément dans les parcs, les serres ou les jardins de l'Europe méditerranéenne. Si l'Inca Garcilaso se trouvait aujourd'hui même à Biarritz ou à Bordeaux avec Montaigne, il ne s'étonnerait pas le moins du monde que l'humaniste français mange des papas. Au contraire, ce qu'il trouverait étrange c'est qu'il ne les assaisonne pas de feuilles de molle, parce qu'une bonne poignée de molle parfume les papas et leur donne une saveur merveilleuse, entre subtile et féroce.

Vincent van Gogh. 1885.

Escenas de un mundo sin la papa
de Fernando Iwasaki

Antes de empezar a contarles la historia que me he propuesto, le solicito a la traductora de mi texto que utilice la voz quechua papa en lugar de sus distintas equivalentes europeas -patata, potato, potet, kartoffel, cartof, krumpir, ziemniak, brambory o pomme de terre-, tal como decimos gol, web, clon, siesta o sushi. Después de todo, ¿cómo se dice cacao en francés, alemán, ruso, italiano, frisio, gaélico, esloveno, uzbeco y polaco? Sencillamente cacaoPapa es una de esas palabras que debería ser universal, porque el mundo que conocemos sería impensable sin la papa. ¿Se imaginan que en cada lengua existiera una palabra distinta para viagra o condón? La humanidad viviría con más estrés, que por cierto es otra palabra universal menos en Suecia, donde estrés se dice påkänning.

¿Cómo es posible que la papa de los Andes, la papa de los incas y la papa de toda la vida tenga tantos nombres diferentes? Ni siquiera en España la llaman papa sino patata. Y en el colmo del sinsentido, papas fritas en inglés se dice French fries porque los soldados americanos las comieron así en Bélgica. O sea, que ni quechua, ni francés, ni inglés, ni flamenco, ni nada. Y que conste que los primeros cronistas que llegaron a los Andes en el siglo XVI, jamás llamaron patata a la papa. ¿Por qué se popularizó la voz patata en España?

Para empezar, la voz patata proviene del taíno batata, fruto que nada tiene que ver con el primero, porque la batata o camote es un tubérculo dulce. Colón en su Diario (1492) habló de “unas raíces como rábanos grandes” que los indios “cuecen y asan y tienen sabor propio de castañas” (1). En el Sumario de la Natural Historia de las Indias (1526) Gonzalo Fernández de Oviedo identificó aquellas raíces como batatas y volvió a hacer hincapié en que “asadas son excelente y cordial fruta”(2). Mientras tanto en los Andes, Pedro Cieza de León, refiriéndose a los alimentos de los indios de Quito, relató en su Crónica del Perú (1553) que “Al vno llaman Papas, que es a manera de turmas de tierra: el qual después de cozido, queda tan tierno por de dentro como castaña cozida”(3). Y para que quede claro que no se confundía con ningún otro fruto, Cieza de León afinó todavía más cuando escribió acerca de los cultivos de los Yungas de la costa: “críanse muchas batatas dulces, que el sabor de ellas es casi como el de castañas. Y assimismo hay algunas papas”(4). Por otro lado, en su Historia natural y moral de las Indias (1590), el jesuita José de Acosta volvió a ponderar la importancia de la papa como alimento, al señalar que los hombres de los Andes “suplen la falta de pan con unas raízes que siembran que llaman papas, las cuales debajo de la tierra se dan, y éstas son comida de los indios, y secándolas y curándolas, hacen de ella lo que llaman chuño, que es el pan y sustento de aquella tierra”(5). Por último, el Inca Garcilaso en sus célebres Comentarios Reales de los Incas –publicados en 1609 y traducidos al inglés en 1625 y 1688 y al francés en 1633 y 1650- cuando escribió sobre las legumbres andinas proclamó rotundo: “Tiene el primer lugar la que llaman papa, que les sirve de pan; cómenla cocida y asada, y también la echan en los guisados”(6). Y para evitar confusiones apostilló: “Lo que los españoles llaman batatas y los indios del Perú apichu, las hay de cuatro o cinco colores, que unas son coloradas, otras blancas, y otras amarillas, y otras moradas; pero en el gusto difieren poco unas de las otras; las menos buenas son las que han traído a España”(7). Avecindado en Córdoba, el Inca seguramente habría saboreado las batatas malagueñas, aunque en su Tesoro de la Lengua Castellana o Española (1611)(8) Sebastián de Covarrubias no recogió ni papas ni batatas.

Recién en el siglo XVIII, con la edición del Diccionario de Autoridades (1726-1737), aparecen en la norma las primeras definiciones. Así, en la entrada dedicada a la «batata» leemos:

BATATA: Planta que cultivada y sembrada echa una raíz algo mayor de las que llaman papas, larga y tortuosa. Por de dentro es amarilla y por de fuera parda. Es mui sabrosa y dulce, y aunque de ella se hacen diversos dulces y almíbares muy delicados, con especialidad es más grata assada, y rociada después con vino y azúcar. En España se crían muchas en las cercanías de Málaga.

La definición anterior permaneció tal cual hasta 1817, conviviendo a lo largo de seis ediciones con la entrada correspondiente a « papa »:

PAPA: Ciertas raíces que se crían debaxo de la tierra, sin hojas y sin tallos. Pardas por de fuera y blancos por de dentro. Es comida insípida(9).

Las papas continuaron siendo así de insípidas hasta la edición de 1817, aunque lo más curioso es que la voz patata fue definida – desde la primera edición de 1737 hasta la quinta de 1803 - como “lo mismo que batata”. Por lo tanto, si el sustantivo patata viene del error de haberlo confundido con batata - aunque unas fueran dulces y las otras insípidas - quiere decir que desde el Descubrimiento de América hasta la promulgación de la Constitución de Cádiz en 1812, la papa o patata nunca fue un alimento de masivo consumo popular en la península Ibérica, a pesar de las Crónicas de Indias, de los trescientos años de dominación colonial y de la españolísima tortilla de patatas, cuya invención celebro.

No obstante, en otros países y en otras lenguas europeas la suerte del tubérculo andino fue muy diferente, pues luego de comprobar sus virtudes como ración marinera, el corsario Francis Drake llevó las primeras papas a Inglaterra en 1586(10), donde el botánico John Gerard certificó su valor alimenticio(11) y sir Walter Raleigh promovió su consumo(12). Los británicos adaptaron al inglés la voz taína-española patata, mas no cayeron en la misma confusión semántico-culinaria porque una se convirtió en sweet potato y la otra en white potatobastard potato o simplemente potato, tal como ya la encontramos en el quinto acto de la comedia Merry Wives of Windsor (1598)(13) y en el mismo acto quinto de la tragedia Troilus and Cressida (1602)(14), ambas de William Shakespeare. A lo largo del siglo XVII la patata formó parte de la dieta cotidiana de campesinos rusos, irlandeses y polacos, así como del rancho del ejército de Prusia, donde Federico «El Grande» implantó su cultivo con fines militares en 1751. Precisamente, el boticario francés Antoine de Parmentier descubrió las posibilidades alimenticias de la papa mientras fue prisionero de los prusianos y en 1785 consiguió que Luis XVI patrocinara el cultivo masivo de la patata para combatir las hambrunas de Francia.

Como se puede apreciar, a pesar de la curiosidad que despertaron las Crónicas de Indias desde el siglo XVI, el interés europeo por las «cosas» de América se concentró en los metales preciosos, relegando el conocimiento de la historia y la cultura de sus pueblos a esas minorías cultivadas que más tarde o más temprano siempre terminan aprendiendo o - en el mejor de los casos - cultivando. Es decir, cultivando papas, cultivando tomates y cultivando maíz, tres productos americanos que han revolucionado la gastronomía universal, por no hablar de otros alimentos andinos como la quinua.

¿Qué sería del mundo sin la papa?

Los españoles no tendrían ni su famosa tortilla ni las taurinas patatas bravas; los rusos no podrían preparar ni vodka ni aquella ensaladilla que por culpa de la Guerra Fría se llamó Olivier en Estados Unidos; los indios de la India se quedarían sin bonda y sin aloo pie; los suecos tendrían que olvidarse del lefse y del pitepalt; los gnochis desaparecían de las trattoria italianas y la raclette suiza dejaría de existir; en Japón echarían de menos las korokke y la nikujyaga; en Israel le dirían adiós al kugel y al knish, y los lituanos se quedarían sin su plato nacional – kugelis -, por no hablar de la infinidad de sopas, purés, souflés, ensaladas, vichyssoises, aguardientes y estofados ingleses, alemanes, irlandeses, italianos, franceses, escandinavos, escoceses y españoles que o son con papas o no son nada.

Por otro lado, de la fécula de la papa se obtiene un almidón que permite elaborar bolsas biodegradables que ya se han convertido en la mejor alternativa a los plásticos, y el Centro Internacional de la Papa del Perú -en colaboración con la NASA- ha seleccionado 65 variedades de papas entre las más de 3 mil que crecen en los Andes, para determinar cuál de ellas se adaptaría mejor a los suelos de Marte y así poder alimentar a las futuras colonias marcianas, tal como fantasearon los productores de la película The Martian (2015). ¿Conservará la papa su nombre cuando la siembren en Marte?

En El perfeccionista en la cocina (2003) el escritor británico Julian Barnes  confiesa cómo le encanta preparar platos extraídos de libros antiguos y así nos habla de ‟las patatas cocidas con peras, receta de Montaigne, un plato que el ensayista descubrió en 1580, cuando atravesaba Suiza para ir a Italia”(15). ¿Montaigne comió papas en Suiza en 1580? En mi edición española leo que Montaigne anotó que en Basilea ‟mezclan de buen grado rábanos o peras cocidas con el asado” y que en Lindau ‟mezclan ciruelas cocidas y tartas de pera y manzana al servicio de la carne”(16) y he confirmado que mi edición es fiel al original francés, lo que significa que Julian Barnes no se está alimentando nada bien, porque está mezclando proteínas, fructosa y carbohidratos. Sin embargo, le alabo el gusto porque entre el arte de comer y la ciencia de nutrirse, yo siempre elegiría lo más artístico.

Como la justicia tarda pero llega, la peruanidad de la papa - que tanto ha dado de hablar y sobre todo de comer por el planeta - ha irrumpido con fuerza gracias al repentino auge de la gastronomía de mi país, pues la gran sofisticación culinaria del sibarita contemporáneo es tomar un Ceviche en Ginebra, pedir un Arroz chaufa en Venecia o probar un Tiradito en Montecarlo. ¿Cuáles son los platos peruanos que llevan a nuestra papa por bandera?

En primer lugar la Causa, un puré de papas aliñado con ají y el incomparable limón peruano, que tradicionalmente se acompaña con atún, aguacate y huevo duro, pero que los modernos chefs han convertido en un entrante prodigioso. Otro primer plato sería la Papa rellena, donde la misma masa machacada se rellena de carne picada, cebolla, huevo duro, aceitunas y picantes que luego se reboza y se fríe procurando que quede crocante por fuera y tierna por dentro. Por último tendríamos la Papa a la huancaína, que consiste en una crema de picantes y queso fresco sobre distintas variedades de papas cocidas. Varias regiones del Perú poseen recetas parecidas que se diferencian por el tipo de papa (sólo en el Perú existen más de tres mil variedades) y los picantes de la salsa, como es el caso de la Ocopa arequipeña.

Si pasamos a los platos principales debería comenzar por el Lomo saltado, una maravilla creada por los inmigrantes chinos del siglo XIX, quienes metieron en sus woks todas las piltrafas desechadas por carniceros y matarifes, salteándolas con tomate, cebolla, pimiento, especias y por supuesto papas previamente fritas. Este plato acompañado de arroz blanco, es más bienhechor en los almuerzos que en las cenas. Otro extraordinario manjar de origen prehispánico vendría a ser la Carapulcra, cuyo origen se encuentra en las raciones de papa seca o deshidratada que los antiguos peruanos guisaban con carnes de llama o alpaca. Al parecer, los esclavos negros enriquecieron la primitiva receta andina con picantes, cacahuetes, canela, cebolla, pimienta, clavo de olor y otras carnes como la del pollo y el cerdo, pero siempre sobre la base de la papa seca de los Andes. Finalmente, no puedo concluir esta enumeración de platos principales sin mencionar el Ají de gallina, una deliciosa crema preparada con pollo cocido deshilachado, pan remojado en leche, quesos mantecosos y picantes andinos, servida sobre papas sancochadas, cuyo origen se encuentra en el barroco Manjarblanco español que era dulce en el siglo XVII, pero que los peruanos convertimos en salado y sobre todo picante.

Sin embargo, los antiguos peruanos jamás comieron papas fritas o sancochadas en agua hirviendo, sino cocidas o asadas como dejó escrito el Inca Garcilaso. Y ahora que ya sabemos que Michel de Montaigne jamás probó las papas en Suiza mientras viajaba hacia Roma, quisiera concluir precisando que al Señor de la Montaña le habría encantado conversar con el Inca Garcilaso, pues en el ensayo que le dedicó a «Los Carruajes» habló sobre los Incas del Cusco y sus palacios, tesoros, caminos, historia, conquista e incluso acerca de sus árboles:

...ni Grecia ni Roma ni Egipto pueden, ni por la utilidad ni por la dificultad ni por la nobleza, comparar ninguna de sus obras con el camino que se ve en el Perú, construido por los reyes del país, desde la ciudad de Quito hasta la de Cuzco -son trescientas leguas-, recto, liso, de veinticinco pasos de anchura, pavimentado, flanqueado a ambos lados por bellos y altos muros, y, a lo largo de éstos, por el interior, por dos acequias perennes bordeadas de hermosos árboles que llaman  mulli (17).

Aquellos hermosos árboles que evocó Montaigne se han convertido en parte del paisaje europeo gracias al penetrante aroma de sus hojas, pues el molle cusqueño es la Falsa Pimienta española o la Foux-Proivier o Proivier Sauvage francesa, tan común hoy en parques, viveros y jardines de la Europa Mediterránea. Si el Inca Garcilaso se encontrara ahora mismo en Biarritz o Bourdeaux con Montaigne, no le asombraría en absoluto que el humanista francés comiera papas. Más bien, lo que le extrañaría es que no las sazonara con hojas de molle, porque un buen manojo de molle perfuma las papas y les da un maravilloso sabor, entre sutil y feroz.


Notas

1-Cristóbal COLÓN: Textos y documentos completos, Edición de Consuelo Varela, Alianza Universidad (Madrid, 1992), p. 160.

2-Gonzalo Fernández de OVIEDO: Sumario de la Natural Historia de las Indias, edición de José Miranda, FCE (México, 1979), p. 234.

3-Pedro CIEZA DE LEON: Crónica del Perú. Primera Parte, edición de Franklin Pease G.Y., Pontificia Universidad Católica del Perú (Lima, 1984), p. 130.

4-Op. Cit., p. 202.

5-José de ACOSTA: Historia Natural y Moral de las Indias, edición de Edmundo O’Gorman, FCE (México, 1979), p. 128.

6-Inca GARCILASO DE LA VEGA: Comentarios Reales de los Incas, edición de Carmelo Sáenz de Santa María, Biblioteca de Autores Españoles (Madrid, 1963), vol. II, p. 306.

7- Op. Cit., p. 307.

8-Sebastián de COVARRUBIAS: Tesoro de la Lengua Castellana o Española, edición de Felipe C.R. Maldonado, Castalia (Madrid, 1984).

9-DICCIONARIO DE AUTORIDADES (DA], Edición Facsímil, Real Academia Española - Gredos (Madrid, 1990).

10-. Redcliffe N. SALAMAN: The History and Social Influence of the Potato, Cambridge University Press (Cambridge, 2000), p. 147. La humanidad no recuerda a ningún español como introductor de la papa en Europa, sino a un mortal enemigo de la corona española como el corsario Francis Drake. En 1853 la ciudad de Offenburg (Alemania) dedicó un monumento a Francis Drake, en cuyo pedestal el escultor Andreas Friederich buriló: «Sir Francis Drake, diseminator of the potato in Europe in the Year of Our Lord 1586. Millions of people who cultivate the earth bless his inmortal memory».

11-Op. Cit., p. 146.

12- Ibidem, pp. 148-149.

13-En la escena quinta del quinto acto de Merry Wives of Windsor Falstaff le dice a Mistress Ford: «My doe with the black scut! Let the sky rain potatoes; let it thunder to the tune of “Green Sleeves”; hail kissing-confits and snow eringoes, let there come a tempest of provocation, I will shelter me here». Lo curioso del caso es que el primer traductor al español de la obra de Shakespeare fue el poeta peruano José Arnaldo Márquez, quien tampoco tradujo «potatoes» por «papas», aunque ignoro si los editores españoles corrigieron su traducción que quedó finalmente así: “¿Es mi cierva de pequeña cola negra? Que lluevan patatas; que los truenos canten la tonada de las «Mangas Verdes»; que caigan por granizo confites azucarados, que haya una borrasca de todas las tentaciones; yo me refugiaré siempre aquí”. Ver Guillermo SHAKESPEARE: Dramas [traducción de José Arnaldo Márquez], E. Domenech y Cía. (Barcelona, 1883), p. 371.

14-En la segunda escena del quinto acto de Troilus and Cressida Thersites exclama: «How the devil Luxury, with his fat rump and potato finger; tickles these together! Fry, lechery, fry!»

15-Julian BARNES: El perfeccionista en la cocina [traducción de Jaime Zulaika], Anagrama (Barcelona, 2006), p. 71.

16- Michel de MONTAIGNE: Diario de viaje a Italia, por Suiza y Alemania. Edición y traducción de Jaume Casals Pons, Península (Barcelona, 1986), pp. 28 y 38.

17- Michel de MONTAIGNE: Los Ensayos. Prólogo de Antoine Compagnon y edición y traducción de J. Bayod Brau, Acantilado (Barcelona, 2011), p. 1368.

Commentaires