DOSSIER : Récits de mer

Maquette de caravelle portugaise. Musée National de la Marine

 

On trouve dans l'Espace América de nombreux récits de mer. Espace d'aventures et de dangers, horizon des désirs, la mer attise l'imagination et constitue une source d'expériences.


La mer est un espace d'aventure et d'héroïsme


Ainsi, Luis Sepúlveda dans son roman Mundo del fin del mundo offre un récit en deux temps qui s'inscrit dans cette tradition : un adolescent enthousiasmé par la lecture de Moby Dick s'embarque pour les mers australes peuplées de héros légendaires. Devenu adulte, il prendra de nouveau la mer dans cette région du bout du monde pour lutter contre des bateaux pirates qui pillent la faune marine. On peut mentionner surtout les livres de Francisco Coloane, lui même fils d'un patron baleinier, qui dépeignent la vie rude des habitants de l'extrême sud du Chili, notamment des marins. On trouvera en français Antartida, Cap Horn, Le Golfe des peines et en espagnol Tierra del Fuego, El corazón del tempano. Aventure encore dans le film de Lucy Mulloy, Una noche, qui s'inspire du phénomène des balseros cubains : la tentative d'atteindre les États-Unis dans des grandes bouées.

Il faut signaler aussi les récits de naufrages que liste Carlos Pedro Vairo dans Naufragios en el Cabo de Hornos, Isla de los Estados, Magallanes, Peninsula Mitre, Malvinas y Georgias del Sud. Et le livre de John Byron qui raconte ses aventures à bord de la frégate Wager qui prit la mer en 1740 pour s'attaquer à la puissance de l'Espagne sur les côtes pacifiques du sud américain : Naufragio en las costas patagónicas. Ou le roman Récit d'un naufragé (Relato de un náufrago) de Gabriel García Márquez.

On peut compléter cette liste avec l'ouvrage de recherche de José Luis Martínez, Pasajeros de Indias, qui montre tous les péripéties et les difficultés des voyages transatlantiques au XVIe siècle.

La mer devient alors l'occasion d'une expérience formatrice. C'est ce qui ressort du roman de Coloane, Le sillage de la baleine (El camino de la ballena) où un jeune garçon découvre la violence du métier de vivre notamment en s'embarquant à bord d'un baleinier qui fait route vers l'Antarctique. Un thème que l'on retrouve dans son roman Le dernier mousse où un gamin de quinze ans s'embarque clandestinement dans un navire de la Marine de guerre chilienne. Même récit de formation dans le roman El arrecife du Colombien Juan Carlos Botero ou dans le film Alamar de Pedro González-Rubio. Le premier est l'occasion d'interroger le sens de l'aventure, le second traite de la relation père-fils.


La mer est un espace où se projette l'imagination, un espace de désir. C'est ce qu'explore le beau film de Evangelia Kranioti qui filme l'univers des cargos et fait entendre la voix d'une femme qui chante l'amour des marins : Exotica, erotica, etc. C'est cette idée encore que l'on trouve dans le roman d'Álvaro Mutis, Abdul Bashur, le rêveur de navires (Abdul Bashur, soñador de navíos). Un roman qui s'arrête sur un des personnages les plus attachants de son cycle ayant pour héros Maqroll, le gabier : son ami Bashur, nomade des mers, grand seigneur et commerçant avisé, qui, d'escale en escale, d'aventure en aventure, est prêt à tout pour trouver le navire de ses rêves.


Parmi les personnages les plus mythiques des récits de mer, on compte les pirates.


Un personnage que l'on trouve dans un classique de la littérature cubaine, El negrero de Lino Novás Calvo, qui propose une biographie romancée de Pedro Blanco Fernández de Trava, un pirate et négrier du XIXe siècle qui fut un des plus grands pourvoyeurs d'esclaves à Cuba, au Brésil et aux États-Unis en pleine période de l'abolition. Né à Malaga, à quatorze ans, il s’enrôla comme marins et commença ses tribulations de Terre-Neuve à l'Amérique et en Afrique. Le récit est calqué sur les histoires que se racontaient les marins : combats sur mer, mutineries, révolte d'esclaves... La cacería de l'Uruguayen Alejandro Paternain s'inscrit aussi dans cette tradition : en 1819, le capitaine Basilio de Brito, à partir des côtes brésiliennes se lance à la poursuite de la Intrépida, goélette corsaire sous le commandement du capitaine John Blackbourne. On doit par ailleurs à la Mexicaine Carmen Boullosa, deux romans qui nous plongent dans l'univers des flibustiers et boucaniers du XVIIe siècle : Son vacas, somos puercos et El médico de los piratas. On peut signaler aussi Los piratas en Cartagena de Soledad Acosta de Samper où l'on trouve des chroniques romancées des multiples attaques dont fit l'objet Carthagène des Indes, une des places fortes les mieux défendues de l'Empire espagnol. Pour s'arrêter sur ce personnage du pirate du Nouveau Monde, on peut consulter aussi le catalogue édité par le Musée national de la Marine et l'Abbaye Daoulas : Pirates et flibustiers des Caraïbes.


Un autre classique des aventures maritimes est le récit d'exploration.


Le beau livre illustré de cartes, de tableaux, de gravures de Consuelo Varela recontextualise l'aventure de Colomb dans l'histoire maritime des explorations : Cristóbal Colón, de corsario a Almirante. Le grand écrivain paraguayen Augusto Roa Bastos, de son côté, avec son roman Veille de l'Amiral (Vigilia del Almirante) revisite de manière radicale la figure de Christophe Colomb et le récit même de la découverte. Il rend compte, dans ce livre, du climat intellectuel dans lequel va s'effectuer cette aventure : la mythologie antique se mêle au mysticisme chrétien, Pythagore et Averroès côtoient Jason ou Amadis de Gaule, les récits fabuleux complètent les avancées de la cartographie... La poésie du texte trouve sa source dans cet imaginaire bigarré où sciences et croyances se confondent.

Autre personnage d'explorateur majeur que l'on trouve dans le fonds América : Magellan. On pourra lire la célèbre relation de ce premier voyage autour du monde entrepris par le navigateur portugais écrite par Antonio Pigafetta qui y participa : Primer viaje alrededor del mundo (Edition Dastin, 2002). On peut citer aussi Magallanes, hasta los confines de la Tierra de Laurence Bergreen, une reconstitution personnelle de cette circumnavigation. On peut mentionner enfin le roman Maluco de l'Uruguayen Napoleón Baccino Ponce de León : un roman historique qui s'inspire des chroniques officielles de l'expédition de Magellan pour un récit impertinent et grotesque dont le narrateur est le bouffon de la flotte qui écrit à Charles Quint, espérant de lui une pension qui le sorte de la misère. Son récit insolent et ironique donne à voir les difficultés, les folies et les cruautés de ce voyage démontant le mythe de cette épopée et l'héroïsation de ses acteurs.

On peut compléter cette bibliographie sur les personnages d'explorateurs avec Moi, Gouverneur du détroit de Magellan, relation rédigée par Pedro Sarmiento de Gamboa de la colonisation du détroit de Magellan entreprise entre 1581 et 1584, au nom du vice-roi du Pérou ; Viaje alrededor del mundo, publié en 1771 par Louis-Antoine de Bougainville. On peut signaler aussi Exploradores y piratas en la América del sur de Ernesto Morales qui traite de l'histoire maritime de l'Amérique du sud et dresse les portraits des principaux explorateurs et pirates de l'époque coloniale. 


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